Commission d’aide aux victimes : pas de discrimination en ce qui concerne l’aide ménagère
Introduction
Un arrêt du 13.2.2003 de la Grande Chambre de la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire REFAH PARTISI (PARTI DE LA PROSPÉRITÉ) ET AUTRES c. TURQUIE mérite de retenir notre réflexion.
Contexte de l'affaire
Refah Partisi (Parti de la prospérité, ci-après le « Refah »), était un parti politique qui fut fondé le 19 juillet 1983. Le 21 mai 1997, le procureur général près la Cour de cassation intenta devant la Cour constitutionnelle turque une action en dissolution du Refah, auquel il reprochait de s'être transformé en « centre d'activités contraires au principe de laïcité ».
Demande d'aide financière
Une victime a introduit devant la Commission pour l’aide financière aux victimes d’actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels (ci-après : la Commission) une demande d’aide financière en tant que victime d’un vol et de coups et blessures.
La Commission reconnaît que les coups et blessures constituent un acte intentionnel de violence, pour lequel la demande d’aide est recevable. Cependant, elle constate que l’aide ne peut être octroyée que pour les dommages énumérés limitativement dans l’article 32, §1er, de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres (ci-après: la loi du 1er août 1985) et que l’aide demandée pour la perte de « valeur économique du travail ménager » ne figure pas dans cette énumération.
Jurisprudence de la Commission
Selon sa jurisprudence constante, la Commission rejette le dommage lié à la valeur économique du travail ménager. La Commission constate néanmoins que cette jurisprudence est souvent critiquée par les avocats et que le nouveau tableau indicatif de 2012, qu’elle utilise également comme un de ses instruments de travail pour évaluer le dommage, recommande de prendre en considération l’incapacité ménagère au titre de l’une des trois composantes (outre les composantes personnelle et économique) de l’invalidité temporaire comme de l’invalidité permanente.
La Commission constate de surcroît que l’article 32, §1er, de la loi du 1er août 1985, qui énumère les dommages entrant en ligne de compte pour une aide financière, ne précise pas la forme d’« invalidité temporaire ou permanente » qui est visée au point 3°, alors que le point 1° concerne « le dommage moral, tenant compte de l’invalidité temporaire ou permanente » et qu’il est question au point 4° d’« une perte ou une diminution de revenus résultant de l’incapacité de travail temporaire ou permanente ».
Recommandations de la Commission
La Commission estime qu’il est recommandé de faire la clarté en cette matière pour l’avenir et décide de poser une question préjudicielle.
Raisonnement de la Cour
La Cour tient le raisonnement suivant :
Le système d’aide financière aux victimes d’actes intentionnels de violence est fondé sur la solidarité collective (voir, notamment, Doc. parl., Sénat, 1984-1985, n°873/1, p.17, et ibid., n° 873/2/1, p.22).
Les travaux préparatoires de la réglementation d'origine font ressortir que le législateur a volontairement voulu éviter d’utiliser les notions d’« indemnisation » et d’« indemnité » et que cette intervention financière a été conçue comme une « aide » à supporter un certain préjudice résultant d’actes intentionnels de violence.
La Commission n’assure pas la réparation intégrale du préjudice mais octroie une aide financière en équité pour les postes de dommage qui sont énumérés de manière large mais néanmoins limitative à l’article 32.
Pour apprécier l’aide destinée à des victimes d’actes intentionnels de violence, il n’est pas pertinent, en ce qui concerne l’éventuelle incapacité ménagère, de tenir compte de la circonstance que l’intéressé est actif ou non sur le marché du travail.
En effet, on ne peut considérer que la personne active sur le marché du travail n’accomplirait pas de tâches ménagères ou, inversement, que celle qui n’est pas active sur le marché du travail assumerait toutes les tâches ménagères.
À cet égard, la disposition en cause ne fait dès lors pas naître la différence de traitement critiquée et la question préjudicielle appelle une réponse négative.
Il n’est, par ailleurs, pas dénué de justification raisonnable que le législateur ait fixé certaines restrictions quant à la nature du préjudice pour lequel une intervention financière peut être accordée.