Flaque d’huile,Circulation des véhicules et assurance automobile
Le 11 décembre 2019 : La CJUE et la Notion de « circulation des véhicules »
Le 11 décembre 2019, la CJUE a eu l’occasion de se pencher sur la Notion de « circulation des véhicules » au sujet d’une fuite d’huile d’un véhicule automoteur qui avait entraîné la chute d’un piéton.
La CJUE va considérer que relève de la notion de « circulation des véhicules », une situation dans laquelle un véhicule ayant effectué des manœuvres et/ou ayant été stationné dans un parking privé est impliqué dans un accident survenu sur ce parking.
La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige au sujet d’une action en dommages et intérêts introduite à la suite de la chute d’un piéton sur une flaque d’huile causée par une fuite provenant d’un véhicule, garée sur un emplacement de parking privé.
Définitions et Règlementations
Aux termes de l’article 1er de la directive 2009/103 :
« Au sens de la présente directive, on entend par : véhicule » : tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique, sans être lié à une voie ferrée, ainsi que les remorques, même non attelées ; [...] »
L’article 3 de cette directive prévoit :
« Chaque État membre prend toutes les mesures appropriées, sous réserve de l’application de l’article 5, pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance.
Le propriétaire d’un véhicule automoteur avait souscrit une assurance responsabilité civile afférente à la circulation de véhicules automoteurs. Ce véhicule est habituellement garé sur un emplacement de parking privé lui appartenant.
En raison de son état mécanique, le véhicule subissait des pertes d’huile et d’autres liquides. Une flaque d’huile initialement formée sur l’emplacement de parking a débordé sur les emplacements adjacents.
Le 19 septembre 2015, un piéton, allant récupérer son propre véhicule garé sur un de ces emplacements adjacents, a glissé sur cette flaque d’huile, subissant, de ce fait, un dommage corporel.
Le piéton a alors formé un recours contre le propriétaire du véhicule et son assureur alléguant qu’il avait été blessé à la suite d’un accident de la circulation, et a demandé une indemnisation au titre de dommages personnels et matériels causés par sa chute.
La Question Centrale
La question centrale consistait à déterminer si, à l’aune de l’article 3 de la directive 2009/103, ce véhicule stationné et perdant de l’huile pouvait être considéré comme étant un “fait de circulation”, et ainsi relever de l’obligation d’assurance des véhicules à moteur.
La juridiction posant la question rappelle que selon l’arrêt du 28 novembre 2017, (C-514/16, EU:C:2017:908), la notion autonome du droit de l’Union de “circulation des véhicules” ne se limite pas aux situations de circulation routière, mais concerne toute utilisation d’un véhicule en tant que moyen de transport.
Jurisprudence Antérieure de la CJUE
- Le fait que le véhicule impliqué dans un accident était à l’arrêt au moment de la survenance de celui-ci n’exclut pas, à lui seul, que l’utilisation de ce véhicule à ce moment puisse relever de sa fonction de moyen de transport et, en conséquence, de la notion de “circulation des véhicules”.
- Le point de savoir si son moteur était, ou non, en marche au moment de la survenance de l’accident ne serait pas déterminant à cet égard.
- Néanmoins, lorsque le véhicule est à l’arrêt et le sinistre ne présente pas de lien avec la fonction de transport de ce véhicule, il ne s’agit pas d’un “fait de circulation”, au sens du droit espagnol, qui pouvait être couvert par l’assurance obligatoire.
Rappels de la CJUE
- La notion de “circulation des véhicules” ne saurait être laissée à l’appréciation de chaque État membre, mais constitue une notion autonome du droit de l’Union, devant être interprétée, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, au regard, notamment, du contexte de cette disposition et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie.
- La réglementation de l’Union en matière d’assurance de la responsabilité civile tend, notamment à garantir que les victimes des accidents causés par ces véhicules bénéficieront d’un traitement comparable, quel que soit l’endroit du territoire de l’Union où l’accident s’est produit.
- Il ressort, en outre, de l’évolution de cette réglementation que l’objectif de protection des victimes d’accidents causés par ces véhicules a constamment été poursuivi et renforcé par le législateur de l’Union.
Interprétation de l'Article 3
Au regard de ces considérations, la Cour a jugé que l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 doit être interprété en ce sens que la notion de “circulation des véhicules” qui y figure n’est pas limitée aux situations de circulation routière, à savoir à la circulation sur la voie publique, et que relève de cette notion toute utilisation d’un véhicule qui est conforme à la fonction habituelle de ce dernier.
Il convient de relever, d’une part, que selon une jurisprudence constante, le fait que le véhicule impliqué dans un accident était à l’arrêt au moment de la survenance de celui-ci n’exclut pas, à lui seul, que l’utilisation de ce véhicule à ce moment puisse relever de sa fonction de moyen de transport et, en conséquence, de la notion de “circulation des véhicules”, au sens de l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103.
Le point de savoir si le moteur du véhicule concerné était, ou non, en marche au moment de la survenance de l’accident n’est pas davantage déterminant.
D’autre part, il convient de rappeler que le stationnement et la période d’immobilisation du véhicule sont des étapes naturelles et nécessaires qui font partie intégrante de l’utilisation de celui-ci en tant que moyen de transport.
Ainsi, la Cour a jugé que l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 doit être interprété en ce sens qu’un véhicule est utilisé conformément à sa fonction de moyen de transport lorsqu’il se déplace, mais, en principe, également durant son stationnement entre deux déplacements.
Conclusion
En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, dans l’affaire au principal, l’accident est survenu à la suite de la formation d’une flaque d’huile qui s’est produite non seulement pendant la période de stationnement du véhicule en cause, mais essentiellement au démarrage et lors des manœuvres de celui-ci.
Or, il y a lieu de considérer que les manœuvres d’un véhicule ainsi que son stationnement dans un garage privé constituent une utilisation de celui-ci qui est conforme à sa fonction de moyen de transport.
S’agissant de la circonstance que, dans l’affaire au principal, l’accident résulte d’une fuite d’huile causée par l’état mécanique du véhicule en cause, il convient de rappeler que, dès lors qu’une voiture, telle que celle en cause au principal, qui est à l’origine de l’accident répond à la définition de “véhicule”, au sens de l’article 1er, point 1, de la directive 2009/103, il n’y a pas lieu de distinguer parmi les pièces dudit véhicule celle qui est à l’origine du fait dommageable ni de déterminer les fonctions que cette pièce assure.
Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 3, premier alinéa, de la directive 2009/103 doit être interprété en ce sens que relève de la notion de “circulation des véhicules”, visée à cette disposition, une situation dans laquelle un véhicule ayant effectué des manœuvres et/ou ayant été stationné dans un parking privé, conformément à sa fonction de moyen de transport, est impliqué dans un accident survenu sur ce parking.