responsabilité civiledommages et intérêtsprovocationfautes concurrenteslien de causalitépréjudice moralmoins-value immobilièredroit des assurancesindemnisationévaluation du dommage

Florilège de décisions en matière de responsabilité

Denis Gouzée Denis Gouzée

Cet article présente un florilège de décisions de la Cour de Cassation belge concernant la responsabilité. Il aborde des thèmes comme la provocation, la répartition de la responsabilité entre plusieurs fautes concurrentes, et les conditions de preuve en matière de justification. Il souligne que la victime n'est pas tenue de limiter son dommage et que la réparation doit être intégrale. D'autres points incluent l'évaluation des dommages futurs, la moins-value d'un bien, ainsi que les critères pour établir un lien de causalité. Enfin, il insiste sur le droit à une indemnisation basée sur la valeur réelle ou à neuf de l'objet endommagé.
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Jurisprudence de la Cour de Cassation en matière de responsabilité

En cette fin d’année, nous avons parcouru pour vous la Jurisprudence de la Cour de Cassation en matière de responsabilité et en avons extrait des décisions susceptibles de vous intéresser.

Provocation ?

Le rejet de l’excuse de la provocation n’empêche pas le juge de vérifier si la victime a commis une faute, autre que celle décrite à l’article 411 du Code pénal, de nature à justifier qu’elle supporte une partie de son dommage ; s’il reconnaît l’existence d’une telle faute, le juge apprécie en fait son incidence sur la réalisation du dommage, la Cour se bornant à vérifier si, de ses constatations, il a pu légalement déduire sa décision d’abandonner à la victime une partie de ce dernier (11/4/2018).

L’excuse de provocation n’est admise que si le provocateur a commis des violences graves ; par contre, lorsqu’un dommage est causé par les fautes concurrentes de l’auteur de l’infraction et de sa victime, la faute la plus légère de celle-ci suffit pour entraîner un partage de responsabilité ; il en résulte que le rejet de l’excuse de provocation n’empêche pas de vérifier si la victime a commis une faute, autre que celle décrite à l’article 411 du Code pénal, de nature à justifier qu’elle supporte une partie de son dommage (7/1/2015).

Fautes concurrentes

Lorsqu’un dommage a été causé par les fautes concurrentes de plusieurs personnes, chacune d’elles est tenue, en règle, de réparer l’entièreté du dommage de la victime qui elle-même n’a pas commis de faute (28/11/2018).

Cause de justification

En matière civile, il incombe à la partie qui a introduit une demande fondée sur une infraction de prouver que les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis, qu’elle est imputable à la partie adverse et si cette dernière invoque une cause de justification sans que son allégation soit dépourvue de tout élément de nature à lui donner crédit, cette cause de justification n’existe pas ; il en va de même lorsque la partie adverse allègue des circonstances qui sont de nature à priver le fait commis de son caractère punissable (7/9/2018).

Capitalisation du dommage ou méthode forfaitaire

Alors qu’il admet que ce dommage est permanent, le jugement attaqué, qui déduit de ses motifs, qui sont relatifs à l’existence et à la nature du dommage, mais étrangers à son évaluation, que le dommage moral, ménager ou économique du demandeur, même s’il est permanent, ne présente ni la constance ni la périodicité qu’implique la capitalisation, ne justifie pas légalement sa décision d’indemniser ce dommage de manière forfaitaire (25/4/2019).

Le juge peut recourir à une évaluation en équité du dommage à la condition qu’il indique les motifs pour lesquels il ne peut admettre le mode de calcul proposé par la victime et qu’il constate en outre l’impossibilité de déterminer autrement le dommage (25/4/2019).

S’il incombe à la victime d’un fait illicite de démontrer son dommage, il ne lui appartient pas, lorsqu’elle propose de calculer l’indemnisation de son dommage moral permanent par la capitalisation d’une base journalière forfaitaire, d’établir que ce dommage restera constant dans le futur (27/5/2016).

Alternative légitime — lien de causalité

Pour vérifier s’il existe un lien de causalité entre la faute et le dommage, le juge est tenu de remplacer le comportement fautif ou l’aspect fautif du comportement par son alternative légitime hypothétique, sans en modifier les autres circonstances concrètes ; si le juge constate que le dommage se serait produit de la même façon dans cette alternative légitime hypothétique, il n’y a pas de lien de causalité entre la faute et le dommage (28/6/2018).

En énonçant que le véhicule a été volé alors que son propriétaire l’avait laissé moteur allumé, puis, examinant ensuite le lien de causalité entre cette inattention et l’accident causé par le voleur, en considérant que ledit propriétaire n’a commis aucune faute contributive au dommage subi in concreto à la suite du heurt, le juge du fond justifie légalement sa décision que la faute du propriétaire est sans lien de causalité avec l’accident et ses conséquences dommageables (4/1/2017).

Lorsque le dommage consiste en la perte d’une chance d’obtenir un avantage espéré, ce dommage est certain lorsque la perte, en relation causale avec la faute, porte sur un avantage probable ; le défaut de certitude quant à l’obtention de l’avantage en l’absence de la faute n’exclut pas son caractère probable (13/5/2016).

Moins-value d’un immeuble

La moins-value d’un immeuble est un dommage dont l’existence n’est pas subordonnée à une perte enregistrée sur la réalisation de l’actif ; la moins-value peut également être associée au coût des aménagements requis pour conserver le bien tout en effaçant les conséquences dommageables de la faute (3/1/2018).

Préjudice futur

Le juge peut accorder des dommages et intérêts pour le préjudice que la partie lésée éprouvera dans l’avenir, à condition que la cause du préjudice existe lors du jugement en manière telle que le tribunal puisse évaluer le dommage qui en résultera nécessairement (3/1/2018).

Objet de la demande

L’objet de la demande est le résultat factuel poursuivi par le demandeur dans sa demande ; le juge saisi d’une demande en réparation du dommage résultant d’un avantage non acquis ou d’un désavantage subi, qui accorde une indemnité pour la perte d’une chance de se procurer ledit avantage ou d’éviter ledit désavantage, ne modifie pas l’objet de la demande ; il est en droit de le faire dès lors qu’il respecte les droits de la défense (14/12/2017).

Efforts accrus

Lorsque, ensuite de la réduction de sa capacité de travail, la victime doit fournir des efforts accrus pour accomplir ses tâches professionnelles normales, ce dommage doit être apprécié en fonction de l’atteinte portée à cette valeur économique ; la réparation de cette atteinte n’est ni exclue ni restreinte du fait que la victime a continué, au prix de ces efforts accrus, à percevoir son traitement contractuel ou statutaire (22/6/2017).

Evènements postérieurs

Dans l’évaluation de l’indemnité à allouer pour le préjudice causé par une infraction, il ne peut être tenu compte des événements postérieurs, étrangers à la faute et au dommage, événements qui auraient amélioré ou aggravé la situation de la personne lésée ; si le juge doit évaluer le dommage au moment où il statue, la consistance de ce dommage doit être déterminée au moment de la faute et les variations du préjudice n’ayant pas leur origine dans le fait illicite ne sauraient décharger l’auteur de la faute de son obligation de le réparer intégralement (28/3/2017).

Pas d’obligation de restreindre le dommage

La victime d’un acte illicite a droit, en règle, à la réparation intégrale du dommage qu’elle a subi ; elle n’a pas l’obligation de restreindre le dommage dans la mesure du possible ; elle doit uniquement prendre les mesures raisonnables pour limiter le préjudice si tel eût été le comportement d’un homme raisonnable et prudent (13/6/2016).

Valeur à neuf ou valeur réelle

En cas de dommage causé à une chose, le préjudicié a droit à des dommages et intérêts fixés sur la base de la valeur nouvelle de la chose endommagée lorsqu’il ne peut acquérir une chose similaire présentant un même degré de vétusté ; la valeur de remplacement est égale à la valeur réelle de la chose détruite (11/2/2016).

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