Incapacité économique et efforts accrus
Arrêt du 27 mars 2024 de la Cour de cassation de Belgique
Dans son arrêt du 27 mars 2024 (n° P.24.0065.F), la Cour de cassation de Belgique s'est penchée sur une question cruciale en matière d'indemnisation des dommages corporels : celle de la prise en compte des efforts accrus fournis par la victime pour maintenir son niveau de rémunération, en l'absence de perte de revenus avérée.
Les efforts accrus peuvent-ils justifier l'indemnisation d'une incapacité économique permanente ?
Le demandeur T.A. soulevait dans son premier moyen que le tribunal d'appel avait commis une contradiction en indemnisant une incapacité économique permanente de 10% sur la base des seuls efforts accrus, alors qu'il avait constaté l'absence d'impact sur son potentiel économique.
La Cour rejette cette argumentation, affirmant clairement que :
La première [énonciation] se réfère à la considération suivant laquelle l'évolution des revenus du demandeur, après sa reprise du travail, n'objective pas l'existence d'une perte. La seconde signifie que si la perte de revenu n'est pas démontrée, il n'en demeure pas moins que la victime doit fournir, pour son activité professionnelle, des efforts accrus, ce qui peut constituer un préjudice réparable au titre de l'incapacité économique permanente.
Elle opère ainsi une distinction nette entre la perte de revenus et les efforts supplémentaires requis, les deux n'étant pas contradictoires.
Le demandeur faisait également valoir que les efforts accrus étaient étrangers à l'acte illicite initial et ne pouvaient dès lors être pris en compte. La Cour écarte cette thèse :
Aucune disposition légale ne lui interdit [au juge] de mesurer cette diminution [de la valeur sur le marché du travail] par référence aux efforts accrus, et d'aligner uniquement sur ceux-ci l'existence d'un dommage indemnisable sans qu'une perte de revenu ait été constatée.
Les efforts accrus peuvent ainsi constituer, à eux seuls, un chef de préjudice indemnisable au titre de l'incapacité économique permanente, sans qu'une perte de revenus soit nécessaire.
Cette décision confirme donc la possibilité pour les juges du fond de se fonder exclusivement sur les efforts supplémentaires consentis par la victime pour évaluer la diminution de sa valeur professionnelle et accorder une indemnité réparant l'incapacité économique permanente.