Tempête dans la Procédure "Crossborder" pour les Amendes Routières ?
Une Faille Juridique dans la Procédure "Crossborder"
Une récente décision du tribunal de police de Namur a mis en lumière une faille juridique potentielle dans la procédure "Crossborder" de gestion des amendes routières. Cette faille concerne la légalité des ordres de paiement émis par le procureur du Roi, qui sont signés d'une simple griffe au lieu d'une signature manuscrite.
La Procédure "Crossborder" Expliquée
- Perception immédiate: Après constatation d'une infraction, l'amende est transmise avec le PV et les instructions de paiement via le site amendesroutieres.be. Selon la gravité de l'infraction, l'amende varie de 58 à 473 euros. Le justiciable a 15 jours pour payer, sachant que le paiement implique la reconnaissance de l'infraction.
- Transaction: En cas de non-paiement ou de contestation, un rappel est envoyé par BPOST. Si ignoré, le dossier est transmis au Parquet qui peut proposer une transaction majorée de 30%.
- Ordre de Paiement: L'absence de réponse à la transaction entraîne l'émission d'un ordre de paiement par le Parquet, incluant une majoration supplémentaire de 35% et une contribution obligatoire de 200 € au fonds des victimes d’actes intentionnels de violence. En l'absence de paiement sous 30 jours, cette dette devient fiscale et peut être recouvrée par divers moyens. L’article 65ter de la loi précise que « l’ordre de paiement visé à l’article 65bis est imposé et signé par le procureur du Roi ». Tel est le point central du litige.
- Recours en Justice: Le justiciable a 30 jours pour contester l'ordre de paiement devant le Tribunal de Police. Si la requête est jugée recevable, l'ordre de paiement peut être annulé après examen du dossier en audience publique.
Rappel de Jurisprudence
Il est pertinent de rappeler une jurisprudence clé de la Cour de cassation belge datant du 6 avril 1970. Selon cette jurisprudence, une apostille adressée à un commissaire de police aux fins de faire rectifier ou compléter le bulletin de renseignements d'un prévenu n'interrompt pas la prescription de l'action publique si elle est uniquement revêtue de la griffe de l'officier du ministère public, et non de sa signature manuscrite. Cette décision ancienne peut éclairer le débat actuel sur la valeur juridique des griffes par rapport aux signatures manuscrites.
Questionnement Juridique
Au regard de l'article 1322 du Code civil belge, une question se pose : les signatures électroniques, telles que les griffes utilisées par le procureur du Roi, peuvent-elles être légalement valides si elles garantissent l'authenticité et l'intégrité de l'acte ? Quel est l’impact du nouvel article 8.1 du Livre 8 du nouveau Code Civil donnant les définitions suivantes :
- 2° signature: un signe ou une suite de signes tracés à la main, par voie électronique ou par un autre procédé, par lesquels une personne s'identifie et manifeste sa volonté ;
- 3° signature électronique: une signature conforme aux articles 3,10° à 3,12° du Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la Directive 1999/93/CE ;
Selon la doctrine : L’introduction dans notre droit de la signature électronique, dont le concept repose sur une analyse des fonctions de la signature, marque-t-elle aussi l’apparition d’une définition fonctionnelle de la signature manuscrite ? La lecture du texte légal permet d’en douter. En effet, la définition nouvelle concerne exclusivement la signature électronique, soit une donnée sous forme électronique liée à d’autres données électroniques. Le législateur n’a toujours pas défini la signature manuscrite et n’en a pas modifié le régime juridique » (Mougenot, D., « La preuve », Rép. not., T. IV, Les obligations, Livre 2, Bruxelles, Larcier, 2012, n° 110.)
Contexte de la Décision
Le 8 novembre, le tribunal de police de Namur a statué en faveur de six automobilistes, poursuivis pour de petits excès de vitesse. Leur avocat a argumenté que les ordres de paiement reçus, signés d'une griffe imprimée, n'avaient pas de valeur légale.
L'Impact des Décisions
Ces décisions judiciaires pourraient avoir un impact considérable si ces jugements font jurisprudence et pourraient affecter plus d'un million d'ordres de paiement envoyés au cours des trois dernières années.
Appel du Parquet
Le Ministère Public reconnaît l'utilisation des griffes, mais soutient leur validité. Le parquet de Namur a donc fait appel.
Conclusion
Cette affaire soulève des questions importantes sur la légalité des procédures administratives et la validité des signatures numériques dans le contexte judiciaire belge. L'issue de l'appel du parquet de Namur pourrait avoir des répercussions significatives sur la gestion des amendes routières en Belgique.