Un arrêt de la Cour de cassation : l'application du principe de présomption en matière de circulation routière
Le 28 mai 2024 : Arrêt de la Cour de cassation de Belgique
Le 28 mai 2024, la Cour de cassation de Belgique a rendu un arrêt concernant l'application du principe de présomption de responsabilité en matière de circulation routière. Cet arrêt, sous la référence P.24.0517.N, aborde une question essentielle : dans quelles conditions le titulaire de la plaque d'immatriculation d'un véhicule peut-il être présumé responsable d'une infraction commise avec ce véhicule ?
L'affaire concernait une défenderesse, A. M.-P., qui contestait la validité d'un jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Limburg, division Tongeren, le 21 février 2024. Le litige portait sur une infraction à la loi sur la circulation routière, présumée commise par la titulaire de la plaque d'immatriculation du véhicule. En l'absence d'identification du conducteur au moment de l'infraction, les autorités avaient appliqué la présomption de responsabilité prévue par la loi au titulaire de la plaque.
Plus précisément, l'infraction avait été constatée le 6 décembre 2022, mais la notification du procès-verbal à la défenderesse n'avait été effectuée que le 5 janvier 2023, soit au-delà du délai de 14 jours prévu par la loi. La défenderesse a fait valoir que ce retard dans la notification constituait une violation de l'article 67bis de la loi sur la circulation routière, qui impose que le titulaire de la plaque d'immatriculation soit informé rapidement de l'infraction pour pouvoir préparer une défense adéquate.
Le principe de présomption en question
L'article 67 bis de la loi sur la circulation routière prévoit que, lorsqu'une infraction est commise avec un véhicule dont le conducteur n'est pas identifié au moment des faits, le titulaire de la plaque d'immatriculation est présumé être l'auteur de l'infraction. Cependant, ce principe de présomption n'est applicable que si certaines conditions sont remplies, notamment :
- la notification rapide de l'infraction à la personne concernée,
- l'absence d'identification du conducteur au moment de l'infraction,
- la preuve que le véhicule est bien enregistré au nom de la personne à laquelle la responsabilité est attribuée.
Dans cette affaire, le jugement initial avait appliqué la présomption de responsabilité à l'encontre de la défenderesse, malgré le fait que le procès-verbal de l'infraction n'avait pas été envoyé dans les délais requis. Cette notification tardive constituait une violation de l'article 67 bis, qui exige que le titulaire de la plaque d'immatriculation reçoive un avis dans un délai de 14 jours afin de pouvoir préparer sa défense. En l'absence de cette notification en temps voulu, la défenderesse a été privée de la possibilité de contester efficacement les faits qui lui étaient reprochés.
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation a estimé que, dans le cas présent, la tardiveté de la notification privait la défenderesse de la possibilité de contester efficacement la présomption de responsabilité. Le non-respect de ce délai compliquait la défense de la défenderesse, portant atteinte à son droit à un procès équitable, conformément à l'article 6.2 de la Convention européenne des Droits de l'homme (CEDH).
Par conséquent, la Cour de cassation a partiellement annulé le jugement de la cour correctionnelle de Limburg. Elle a décidé que la question de la culpabilité de la défenderesse et la sanction imposée devaient être reconsidérées par un autre tribunal, tout en rappelant que la présomption de responsabilité n'est valable que lorsque les droits de la défense sont respectés.
Conclusion
L'arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 2024 rappelle les limites de la présomption de responsabilité en matière de circulation routière et l'importance du respect des garanties procédurales.