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Omission intentionnelle : La CJUE garantit l'indemnisation du preneur d'assurance blessé en tant que passager

Denis Gouzée Denis Gouzée

L'arrêt de la CJUE dans l'affaire C-236/23 garantit l'indemnisation des victimes d'accidents, même si elles sont preneurs d'assurance ayant fait une fausse déclaration. La Cour a statué que la nullité d'un contrat d'assurance ne peut pas être opposée à une victime, renforçant ainsi la protection des victimes d'accidents de la circulation. Les assureurs ne peuvent pas échapper à leurs obligations d'indemnisation, sauf en cas de fraude avérée. Cette décision souligne l'importance de la transparence lors de la souscription des contrats d'assurance. Pour en savoir plus sur vos droits en tant que victime, consultez un expert en droit.
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Arrêt de la CJUE dans l’affaire C-236/23

L’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’affaire C-236/23 en date du 19 septembre 2024 concerne une question cruciale dans le domaine de l’assurance automobile obligatoire. Il traite des circonstances dans lesquelles un assureur peut invoquer la nullité d’un contrat d’assurance contre une victime d’un accident de la circulation. Cet arrêt a des implications importantes pour la protection des victimes d’accidents, notamment lorsque celles-ci sont également les preneurs d’assurance.

Contexte de l’affaire

Le litige en question oppose la Mutuelle d'assurance des travailleurs mutualistes (Matmut) à plusieurs parties, dont le preneur d’assurance (PQ), et porte sur l’opposabilité de la nullité d’un contrat d’assurance automobile. PQ, victime d’un accident en tant que passager, avait souscrit un contrat d’assurance avec la Matmut, mais avait fait une fausse déclaration intentionnelle sur l’identité du conducteur habituel du véhicule (en l’occurrence, TN). Lors de l’accident, TN, sous l’emprise de l’alcool, conduisait le véhicule, entraînant des blessures pour PQ, qui était passager.

L’assureur Matmut a cherché à opposer la nullité du contrat d’assurance à PQ en raison de sa fausse déclaration intentionnelle. La question juridique centrale était de savoir si cette nullité pouvait être opposée à PQ, non seulement en tant que preneur d’assurance, mais aussi en tant que victime de l’accident de la circulation.

Le cadre juridique de l’assurance automobile obligatoire

L'assurance automobile est encadrée par la directive 2009/103/CE, qui établit l’obligation pour chaque État membre de garantir la couverture de la responsabilité civile pour les véhicules automoteurs. Cette directive vise à harmoniser les législations nationales pour assurer une protection efficace des victimes d'accidents, où qu'ils se produisent dans l'Union Européenne.

Les articles 3 et 13 de cette directive, en particulier, jouent un rôle clé dans l'interprétation de l'opposabilité des nullités de contrats d’assurance. L’article 3 impose aux États membres de garantir que tous les véhicules automoteurs en circulation sur leur territoire sont couverts par une assurance responsabilité civile, tandis que l’article 13 encadre les situations dans lesquelles une compagnie d’assurance peut refuser d’indemniser les victimes d’un accident.

Le litige : Fausses déclarations et nullité du contrat d’assurance

L’affaire PQ soulève une problématique liée à l'application de l'article L.113-8 du Code des assurances en France. Cette disposition prévoit que lorsqu'un preneur d'assurance fait une fausse déclaration intentionnelle lors de la conclusion du contrat, le contrat peut être annulé. Cependant, dans cette affaire, PQ, bien qu’ayant fait une fausse déclaration sur l'identité du conducteur, a également été la victime d'un accident causé par le véritable conducteur du véhicule, TN.

Le tribunal de première instance a déclaré la nullité du contrat, mais la Cour d'appel de Lyon a jugé que cette nullité ne pouvait pas être opposée à PQ en tant que victime de l’accident, même s’il était également le preneur d’assurance. Cette décision repose sur le principe de la primauté du droit de l’Union européenne, qui stipule que la nullité d’un contrat ne peut pas être opposée à une victime d’accident de la circulation.

La question préjudicielle devant la CJUE

Face à ce conflit de droit entre la législation nationale et les directives européennes, la Cour de cassation française a sollicité une clarification de la CJUE. La question préjudicielle était de savoir si les articles 3 et 13 de la directive 2009/103/CE devaient être interprétés comme s'opposant à l’opposabilité de la nullité du contrat d’assurance à une victime d'accident, lorsqu'il s'agit également du preneur d’assurance ayant fait une fausse déclaration intentionnelle.

Position de la CJUE

Dans son arrêt, la CJUE rappelle les objectifs fondamentaux de la directive 2009/103/CE, qui vise à protéger les victimes d’accidents de la circulation. La Cour insiste sur le fait que la nullité d’un contrat d’assurance ne peut pas être opposée à une victime, même si cette dernière est le preneur d’assurance ayant fait une fausse déclaration intentionnelle. L’interprétation stricte de l'article 13 de la directive 2009/103 empêche l'assureur de se soustraire à son obligation d’indemniser la victime sous prétexte d’une fausse déclaration du preneur d'assurance, à moins que des conditions spécifiques, telles qu’une complicité ou une fraude avérée, ne soient prouvées.

La Cour souligne que l’objectif premier de la directive est de garantir une indemnisation adéquate pour les victimes, quelle que soit leur qualité (preneur d’assurance ou passager). En ce sens, l’article 13, paragraphe 1, vise à éviter que les assureurs invoquent des clauses contractuelles ou des dispositions légales pour échapper à leur obligation de couvrir les dommages causés aux tiers victimes.

Abus de droit et fraude : des exceptions possibles

Bien que la CJUE réaffirme le principe de protection des victimes, elle reconnaît également que les États membres doivent se prémunir contre les abus de droit. Si un preneur d’assurance, comme PQ dans cette affaire, fait une fausse déclaration avec l’intention de frauder l’assureur ou de contourner les exigences légales, une analyse approfondie de la situation est nécessaire.

L’abus de droit, défini par la CJUE comme l’utilisation des normes du droit de l’Union à des fins frauduleuses, pourrait justifier une exception au principe d’opposabilité. Toutefois, il incombe aux juridictions nationales de déterminer, au cas par cas, si les éléments constitutifs d’un abus de droit sont présents.

Dans cette affaire, la Cour a laissé ouverte la possibilité pour l’assureur de rechercher la responsabilité de PQ sur la base de sa fausse déclaration. Cependant, elle précise que cette responsabilité ne doit pas priver PQ de son droit à une indemnisation en tant que victime de l’accident.

Implications de l'arrêt pour les preneurs d’assurance et les victimes

L'arrêt C-236/23 de la CJUE a des répercussions importantes sur la manière dont les assureurs peuvent invoquer la nullité des contrats d’assurance dans les litiges impliquant des victimes d'accidents. Les principales conclusions sont les suivantes :

  1. Protection des victimes prioritaires : La CJUE rappelle que la protection des victimes d’accidents de la route prime sur les clauses contractuelles et les nullités de contrat. Même si la victime est également le preneur d’assurance, elle doit être indemnisée.
  2. Limitation des recours des assureurs : Les assureurs ne peuvent pas invoquer la nullité d’un contrat d’assurance pour échapper à leurs obligations envers les victimes. Ce principe s’applique également si la nullité résulte d’une fausse déclaration faite par le preneur d’assurance lors de la souscription du contrat.
  3. Possibilité d’abus de droit : Si la fausse déclaration est utilisée pour frauder l’assureur, des recours peuvent être envisagés contre le preneur d’assurance, mais ceux-ci ne doivent pas compromettre l'indemnisation due à la victime.
  4. Effet dissuasif pour les preneurs d’assurance : Cet arrêt peut encourager une plus grande transparence lors de la souscription des contrats d’assurance, car il laisse entrevoir la possibilité de poursuites ou de recours contre les preneurs ayant fait des déclarations intentionnellement erronées.

Conclusion

L’arrêt de la CJUE dans l’affaire C-236/23 renforce le cadre juridique visant à protéger les victimes d’accidents de la circulation en Europe. Il clarifie que les assureurs ne peuvent pas invoquer la nullité d’un contrat contre une victime, même si cette dernière est le preneur d’assurance ayant fait une fausse déclaration. Toutefois, la porte reste ouverte pour que les assureurs intentent des recours fondés sur l’abus de droit ou la fraude. Cette décision est cruciale pour équilibrer la protection des victimes et la lutte contre les comportements frauduleux dans le domaine de l’assurance.

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