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Conditions générales et particulières en contradiction

Denis Gouzée Denis Gouzée

L'arrêt de la Cour d'appel de Mons du 4 avril 2017 traite de la contradiction entre conditions générales et particulières dans un contrat d'assurance incendie. Les assurés, copropriétaires d'un immeuble sinistré, contestent l'application de la règle proportionnelle par l'assureur, arguant que les conditions générales leur sont plus favorables. La Cour rappelle que les conditions particulières priment en cas de conflit. Elle conclut que la clause 0113, qui maintient la règle de proportionnalité, ne s'applique pas ici, car le bâtiment est assuré au-delà du seuil requis, permettant aux assurés de recevoir 128.362,31 EUR.
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Assurance - Responsabilité - Roulage

Arrêt de la Cour d'appel de Mons du 4 avril 2017

Un intéressant arrêt de la Cour d'appel de Mons du 4 avril 2017 aborde la problématique de la contradiction entre des conditions générales et des conditions particulières d’un même contrat d’assurances.

Faits de l'affaire

Des assurés sont copropriétaires d'un immeuble qu’ils ont couvert par une police d'assurance incendie. L'immeuble assuré a été sinistré par un incendie survenu le 24 novembre 2011.

Relevant que l'immeuble assuré a été évalué à une somme de 500.000 EUR, alors qu'il était assuré pour une somme de 212.232,42 EUR, l’assureur applique une règle proportionnelle, ce que les assurés contestent.

Principes juridiques

La Cour rappelle le principe de la règle proportionnelle, mais également l'article 3 §2 de l'arrêté royal du 24 décembre 1992 qui dispose que, pour l'assurance d'une habitation par le propriétaire ou le locataire, l'assureur est tenu de présenter au preneur d'assurance un système qui, s'il est correctement appliqué et si les montants assurés sont indexés ou s'il n'y a pas de montants assurés, entraîne la suppression de la règle de proportionnalité de montants pour le bâtiment désigné.

En l'espèce, il est établi que les parties ont prévu dans les conditions générales de la police d'assurance une disposition beaucoup plus favorable pour l'assuré que le principe légal.

Disposition spécifique des conditions générales

En effet, l'article 7.3.3. des conditions générales prévoit expressément que : "nous n'appliquons cependant pas cette règle de proportionnalité dans les cas suivants : si le bâtiment est à usage d'habitation, éventuellement aussi partiellement aménagé pour l'exercice d'une profession libérale : pour le bâtiment, à condition que celui-ci soit assuré pour au moins 120.000 EUR."

Il n'est pas contesté que cette condition exonératoire de l'application de la règle proportionnelle est remplie puisque le bâtiment a été assuré pour 200.000 EUR.

Contradiction entre conditions générales et particulières

Cependant, il faut relever également que le contrat d'assurance conclu renvoie tant aux conditions générales qu'aux conditions particulières. Or, en l'espèce, les parties ont accepté également l'application des clauses particulières 0112 et 0113.

  • Clause 0112, intitulée "Abrogation de la règle de proportionnalité", dispose que : "Par dérogation au point 7.3.3. premier point gras des conditions générales, la règle de proportionnalité des montants ne s'applique pas au contenu, à condition que celui-ci soit assuré pour au moins 30 % du montant assuré pour le bâtiment et pour un montant minimum de 36.000 EUR."
  • Clause 0113, intitulée "Bâtiment-système d'évaluation refusé", dispose que : "Vous n'avez pas donné suite à notre proposition de supprimer la règle de proportionnalité de montants pour le bâtiment par un système d'évaluation ou l'évaluation par un expert."

Cet ensemble montre que l'assuré a refusé de donner suite à une proposition obligatoire de l'assureur d'évaluation pour pouvoir, le cas échéant, se prévaloir, en cas de refus, de la règle de proportionnalité.

Interprétation de la cour

La Cour de cassation a admis qu'une clause tout à fait similaire était suffisante pour ouvrir, en cas d'absence de réaction de l'assuré, le droit pour l'assureur de se prévaloir de la règle de proportionnalité (Cass., 3 novembre 2006, RG 05.0519.N./21, www.juridat.be).

Cependant, la présente cause est différente car, en l'espèce, les parties ont conclu un contrat où la clause particulière dont question se cumule avec des conditions générales excluant la règle de proportionnalité à partir d'un certain niveau de la valeur du bien assuré.

La Cour adhère à la doctrine qui précise que : "On peut rapprocher de cette dernière règle le principe de la primauté de la règle spéciale (lex specialis legi generali derogat), qui implique que les conditions particulières de la police l'emportent, en cas de contradiction, sur les conditions générales."

Analyse des clauses

Il reste à se demander si, en l'espèce, la clause 0113 est contradictoire avec les conditions générales. Lorsque la clause 0112 supprime la règle de la proportionnalité pour les meubles, elle est réellement dérogatoire aux conditions générales.

Il n'est pas sans intérêt de relever que son intitulé l'affirme expressément par l'expression "Abrogation de la règle de proportionnalité."

La clause 0113, type pour tous les contrats d'assurance qui la prévoient, ne reprend pas un intitulé de même nature soulignant la dérogation par rapport aux principes généraux relatifs à la règle de proportionnalité.

Il reste à se demander si, nonobstant cette absence de titre dérogatoire, attirant l'attention de l'assuré sur une dérogation, cette clause est ou non contraire aux conditions générales.

Dans un long développement (aujourd’hui inutile puisqu’il est acquis depuis la loi de 2014 que l’interprétation la plus favorable au preneur doit être retenue), la Cour rappelle que le contrat s’interprète en faveur du preneur.

Or, il existe une interprétation de la clause 0113, qu'il faut donc privilégier, qui n'est pas en contradiction avec les conditions générales dès lors qu'on applique la clause particulière que pour les bâtiments d'habitation privée de moins de 120.000 EUR pour lesquels l'assuré ne bénéficie pas de l'abandon par l'assureur, dans les conditions générales, de la règle de proportionnalité.

Si l'assureur voulait éviter toute ambiguïté à ce sujet, il lui était tout à fait possible soit de supprimer cette dérogation prévue dans les conditions générales, soit, à tout le moins, comme il l'a fait pour la clause 0112 d'attirer l'attention sur le caractère dérogatoire de la clause 0113, ce qu'il n'a pas fait.

Conclusion

Quoi qu'il en soit, même si cette clause 0113 n'avait pas dans cette interprétation favorable à l'assuré, d'intérêt en l'espèce, celle-ci ne peut pas être exclue d'office vu son caractère type.

Partant, cette clause 0113 ne doit pas s'appliquer, dans le cas d'espèce, puisque le bâtiment est une habitation privée, assuré pour plus de 120.000 EUR, de telle sorte que les intimés J.F. et G.F. doivent bénéficier de la non-application de la règle de la proportionnalité et ont donc droit à la somme de 232.379,20 EUR, dont à déduire la provision de 100.316,89 EUR et celle de 3.700 EUR, omise par le premier juge, et non contestée, soit une somme de 128.362,31 EUR.

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