Double assurance : le tribunal oblige deux compagnies à indemniser une victime de vol
L'affaire jugée par le Tribunal de l'entreprise francophone de Bruxelles
L'affaire jugée par le Tribunal de l'entreprise francophone de Bruxelles concerne une demande d'indemnisation suite à un vol avec effraction. Le demandeur, que nous appellerons M. X, a intenté une action contre deux compagnies d'assurance, désignées ici comme Compagnie A et Compagnie B, après le vol de ses biens personnels au domicile de sa compagne, Mme Y. Cette affaire met en lumière des questions complexes concernant la qualité d'assuré et le concours entre assurances.
Les faits
Le 9 octobre 2021, un vol avec effraction a eu lieu au domicile de Mme Y. M. X, qui était son compagnon à l'époque, a déclaré que certains des objets volés lui appartenaient. La police a dressé un rapport détaillant ces objets, mais ceux appartenant à M. X n'étaient pas inclus dans l'évaluation initiale des dommages par la Compagnie A.
M. X a cherché à obtenir une indemnisation auprès des deux assureurs. Toutefois, ceux-ci ont refusé, arguant qu'il n'avait pas la qualité d'assuré ou que ses biens n'étaient pas couverts par les polices respectives.
Thèses des assureurs
Compagnie A
Compagnie A a soutenu que M. X ne vivait pas au foyer de son preneur d'assurance, Mme Y, et que ses effets personnels ne constituaient pas un contenu couvert par la police d'assurance souscrite par cette dernière.
Compagnie B
Compagnie B a affirmé que M. X ne vivait pas au foyer de son père, preneur d'assurance auprès de cette compagnie. Elle a également contesté la couverture des biens volés en arguant qu'ils n'avaient pas été déplacés temporairement dans le domicile de Mme Y.
Réfutation par le Tribunal
Qualité d'assuré
Le tribunal a déterminé que M. X partageait effectivement sa vie entre le domicile de Mme Y et celui de son père, ce qui lui conférait la qualité d'assuré dans les deux cas. Le tribunal s'est appuyé sur des éléments tels que la dépendance financière et les échanges quotidiens entre M. X et Mme Y pour établir l'existence d'une communauté de vie.
Couverture des biens volés
Le tribunal a conclu que les effets personnels de M. X étaient bien couverts par les polices d'assurance souscrites auprès des deux compagnies. Concernant Compagnie A, le tribunal a rappelé que les conditions générales doivent être rédigées en termes clairs et précis et ne peuvent porter atteinte à l'équivalence entre les engagements de l'assureur et ceux du preneur d'assurance.
Pour Compagnie B, le tribunal a rejeté l'interprétation restrictive du "séjour temporaire" proposée par l'assureur, soulignant que M. X avait séjourné au moins une nuit au domicile de Mme Y.
Problématique du concours entre assurances
Le concours entre assurances se pose lorsque plusieurs polices couvrent le même risque pour un même intérêt assuré. Dans cette affaire, Compagnie A et Compagnie B ont tenté de se décharger sur l'autre pour éviter l'indemnisation.
Convention Assuralia
Compagnie A s'est appuyée sur la convention Assuralia pour soutenir que Compagnie B devait intervenir prioritairement. Toutefois, le tribunal a jugé cette convention inopposable à l'assuré, car elle est signée entre compagnies d'assurance sans impliquer directement les assurés.
Législation applicable
Selon l'article 99 de la loi belge relative aux assurances, en cas de double assurance, l'assuré peut demander l'indemnisation à chaque assureur dans les limites de leurs obligations respectives. Aucun assureur ne peut refuser sa garantie en raison de l'existence d'autres contrats couvrant le même risque.
Conclusion et implications
Le tribunal a condamné solidairement Compagnie A et Compagnie B à indemniser M. X à hauteur de 1 766 €, correspondant à la valeur des biens volés. De plus, une indemnité pour défense téméraire et vexatoire a été accordée à M. X.
Cette décision souligne l'importance pour les assureurs de clarifier leurs responsabilités envers les assurés et démontre que les conventions internes entre assureurs ne peuvent être utilisées pour refuser une indemnisation due aux assurés. Elle rappelle également aux assurés leurs droits en cas de double assurance et la nécessité pour les assureurs d'agir avec diligence pour éviter des litiges inutiles.