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Faut-il toujours racheter la mitoyenneté ?

Denis Gouzée Denis Gouzée

Un propriétaire peut utiliser le mur de son voisin pour construire en remboursant la moitié de sa valeur, mais l'acquisition de la mitoyenneté n'est pas automatique. Le voisin doit prouver une usurpation et une volonté d'acquérir. L'usurpation nécessite l'utilisation essentielle du mur, et des actions comme l'ajout d'isolant ne suffisent pas à établir cette usurpation. La jurisprudence indique qu'un simple avantage d'utilisation du mur ne crée pas d'obligation de cession de mitoyenneté. Des jugements ont confirmé que l'absence d'utilisation significative du mur exclut la demande d'acquisition forcée.
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Droit immobilier

Construction et Mitoyenneté

Tout propriétaire qui souhaite construire sur son terrain peut prendre appui sur le mur de son voisin, en lui remboursant la moitié de sa valeur, ou la moitié de la valeur de la portion qu'il veut rendre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti.

Est-ce à dire qu'en construisant sur un terrain qui voisine un immeuble bâti, le propriétaire sera contraint de faire l'acquisition de cette mitoyenneté ? Ce n'est pas aussi simple et aussi automatique.

Conditions de Rachat de Mitoyenneté

Le voisin devra prouver les deux exigences requises pour donner lieu à un rachat forcé de la mitoyenneté :

  1. Une usurpation ou une voie de fait valant prise de possession.
  2. La volonté réelle d'acquérir le mur.

Il est constant que pour qu’il y ait usurpation, il faut qu’il y ait utilisation des fonctions essentielles du mur.

Le fait par exemple qu'un isolant ait été placé entre les deux murs ne peut constituer une réelle usurpation indiquant une volonté implicite d’acquérir la mitoyenneté.

Jurisprudence

Il a été jugé que :

"Le fait de remplir le mince espace séparant le mur du voisin de son propre mur avec un joint de ciment ou avec un feutre isolant ne constitue pas un acte d’appropriation susceptible d’engager le voisin à l’acquisition forcée de la mitoyenneté (civ. Nivelles, 29 mars 1998, Res Jur. Imm., 1990, p. 139; dans le même sens, voyez aussi J.P. Asse, 19 novembre 1991, J.J.P., 1992, p. 168 à propos de l’utilisation du mur d’autrui pour fixer des panneaux d’isolation et le placement d’un bavette de liaison; J.P. Kontich, 30 novembre 1987, Entr. et dr., 1989, p. 289, à propos du placement d’un panneau isolant entre deux murs) (Nicole Verheyden-Jeanmart, Philippe Coppens, Corinne Mostin, EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1989 à 1998) LES BIENS, revue critique de jurisprudence belge, pages 420 à 423)."

De même, le fait qu'une construction n'ait pu s'appuyer sur le mur pignon du voisin (par exemple en raison de son état) induit fatalement la non-usurpation de ce mur.

Le simple fait qu'une construction tirerait un quelconque avantage du mur voisin ne suffirait pas à établir la prise de possession.

La Cour de Cassation a en effet décidé :

« Attendu qu'en vertu de l'article 661 du code civil, le propriétaire d'un mur de séparation privatif peut réclamer le prix de la mitoyenneté du mur à son voisin lorsque et dans la mesure où celui-ci l'utilise de manière telle qu'il en usurpe la copossession violant ainsi le droit de propriété exclusif de son voisin, et qu'il ne peut raisonnablement poursuivre cette utilisation sans avoir la volonté implicite de conserver la mitoyenneté du mur; Que la seule circonstance que le voisin tire un avantage de l'existence d'un mur de séparation ne constitue pas cette usurpation de possession ». (Cour de cassation (1ère chambre), 4 mars 2005 JLMB 2006 p. 564).
"L’avantage procuré par le mur existant ne suffit pas à créer une obligation de cession de mitoyenneté. Lorsqu’il ressort du rapport de l’expert que la construction de garages est indépendante de telle sorte que le mur de séparation n’est pas utilisé même s’il présente des avantages au niveau de l’isolation et de l’humidité, la demande tendant à la cession de la mitoyenneté doit être rejetée (civ. Turnhout [1 re ch.], 25 février 1991, Turnh. Rechtsl., 1991, p. 47; voyez aussi civ. Nivelles, 29 mars 1998, Res Jur. Imm., 1990, p. 139; J.P. Tirlemont, 28 septembre 1992, R.W., 1992-1993, p. 470; J.P. Woluwe-Saint-Pierre, 8 janvier 1997, J.T., 1998, p. 338)" (Nicole Verheyden-Jeanmart, Philippe Coppens, Corinne Mostin, EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1989 à 1998) LES BIENS, revue critique de jurisprudence belge, pages 420 à 423).

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