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Le recours subrogatoire contre le propriétaire du véhicule

Denis Gouzée Denis Gouzée

La loi du 31 mai 2017 modifie le recours subrogatoire du Fonds commun de garantie automobile en cas d'accident de la circulation. Avant le 22 juin 2017, le Fonds pouvait se retourner contre le conducteur responsable, même s'il n'était pas propriétaire du véhicule non assuré. Après cette date, le recours est dirigé contre le propriétaire du véhicule, sauf si le conducteur ignorait cette situation. La Cour Constitutionnelle a jugé que cette modification viole les droits de propriété du conducteur acquitté, car il ne peut être tenu responsable de l'absence d'assurance, qui incombe au propriétaire.
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Modification de la loi sur l'assurance obligatoire

La loi du 31 mai 2017 « modifiant la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs » prévoit, notamment, que lorsque le propriétaire du véhicule n’a pas assuré celui-ci, le recours subrogatoire du Fonds doit être dirigé contre lui et non contre la personne responsable de l’accident.

La loi du 31 mai 2017 prévoit que les modifications apportées à la loi du 21 novembre 1989 sont applicables aux accidents de la circulation qui sont survenus à partir de leur entrée en vigueur (22 juin 2017).

En d’autres termes, si dans le cadre d’un accident de la circulation, le véhicule conduit par le responsable n’a pas été assuré par le propriétaire, le Fonds commun de garantie automobile dispose d’options différentes selon que l’accident est survenu avant ou après le 22 juin 2017.

Conséquences avant le 22 juin 2017

Avant le 22 juin 2017, le Fonds est en droit d’exercer un recours subrogatoire contre le conducteur du véhicule, responsable de l’accident.

Conséquences après le 22 juin 2017

Après le 22 juin 2017, le Fonds est en droit d’exercer un recours subrogatoire contre le propriétaire du véhicule et, sauf faute intentionnelle, ne dispose d’aucun recours à l’encontre du conducteur qui n’avait pas connaissance de la situation de non-assurance du véhicule qu’il conduisait et dont il n’était pas propriétaire.

Question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle

Le Tribunal de police du Hainaut, division de Charleroi a posé à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante :

« L’article 19bis-14 de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs avant sa modification par l’article 17, 2° de la loi du 31 mai 2017, lu en combinaison avec l’article 2, § 1er de la loi, viole-t-il les articles 16 de la Constitution et 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, en ce qu’il prévoit un droit de recours du Fonds commun de garantie belge contre un conducteur d’un véhicule non assuré reconnu responsable d’un accident de la circulation et qui n’avait pas connaissance de la situation de non-assurance du véhicule qu’il conduisait et dont il n’était pas propriétaire ? ».

Analyse de la Cour Constitutionnelle

La Cour Constitutionnelle a considéré qu’il y avait violation sur base de la motivation suivante :

Avant la loi de 2017, en cas de non-assurance, le Fonds commun de garantie belge est subrogé, dans la mesure où il a réparé le dommage, aux droits de la personne lésée contre les personnes responsables et éventuellement contre leurs assureurs.

La loi de 2017 modifie fondamentalement le principe :

Le Fonds a un droit de recours à concurrence du montant de l’indemnité contre le propriétaire du véhicule automoteur et le cas échéant, contre son assureur. Le propriétaire ne dispose d’aucun droit en vue de récupérer le montant de l’indemnisation.

La Cour rappelle que l’obligation d’assurance repose sur le propriétaire du véhicule et que la modification poursuit cette logique en organisant un droit d’obtenir remboursement contre le propriétaire du véhicule automoteur non-assuré au motif qu’il est le responsable principal du fait que le Fonds commun de Garantie belge soit tenu d’intervenir en cas de non-assurance.

La Cour rappelle également que le législateur a voulu garantir l’intervention du Fonds au motif que, « pour des raisons de justice sociale, il ne convient pas de laisser sans réparation les victimes d’accidents de la circulation qui ne peuvent être dédommagées » et qu’il avait pour objectif de suppléer au défaut de couverture.

Responsabilité en cas de défaut d'assurance

Lorsque le conducteur du véhicule impliqué dans l’accident en est aussi le propriétaire, le défaut d’assurance du véhicule, qui entraîne l’intervention du Fonds et le transfert de créance qui en est la conséquence, trouve également son origine dans son comportement individuel.

En revanche, lorsque le conducteur qui a causé l’accident n’est pas le propriétaire du véhicule, et dans l’hypothèse où il a été acquitté de la prévention du défaut d’assurance, la dette qui pèse sur le conducteur du véhicule impliqué dans un accident de la circulation lorsque le Fonds a indemnisé la victime ne trouve pas son origine uniquement dans son comportement individuel.

Dans cette hypothèse, le conducteur ayant causé l’accident est en effet tenu d’une dette qui est également causée par le comportement du propriétaire du véhicule, l’intervention du Fonds trouvant directement sa cause dans le défaut d’assurance imputable au propriétaire du véhicule.

Fondements juridiques

La Cour se fonde alors sur :

L’article 16 de la Constitution qui dispose :

« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

L’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».

La Cour conclut alors que lorsque le conducteur du véhicule responsable de l’accident a été acquitté de la prévention du défaut d’assurance, la subrogation créée par la disposition en cause entraîne une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens.

La circonstance que ce conducteur pourrait, le cas échéant, introduire une action en garantie contre le propriétaire du véhicule en application du droit commun ne peut le mettre dans tous les cas à l’abri d’une telle atteinte disproportionnée.

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