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Pandémie et diminution du risque

Denis Gouzée Denis Gouzée

L'article examine l'application de l'article 80 de la loi du 4 avril 2014 en lien avec la pandémie, qui a entraîné une diminution durable de certains risques d'assurance. Il stipule que les assureurs doivent ajuster les primes en conséquence dès qu'ils prennent connaissance de cette diminution. Les assureurs doivent fournir une réponse motivée dans un langage clair, et si un accord n'est pas trouvé, le contrat peut être résilié. Le texte soulève également des questions sur la possibilité pour les assureurs d'éviter cette obligation et sur les recours possibles en cas de refus injustifié.
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Analyse de l'application de l'article 80 de la loi du 4 avril 2014

La question qui sera analysée dans cet article est celle de l’application de l’article 80 de la loi du 4 avril 2014 dans le cadre de la pandémie.

Il n’est pas contestable que certains risques aient été diminués de manière sensible et durable en raison de la crise sanitaire et des mesures gouvernementales.

Il peut être cité, à titre d’exemple, l’assurance RC objective instaurée par la loi du 30 juillet 1979, pour les cas d’incendie ou d’explosion, les assurances couvrant les accidents sur le chemin du travail en ce qui concerne les entreprises ayant eu un recours massif au télétravail, les assurances couvrant les flottes d’autocar…

Dispositions de l'article 80

Pour rappel, l’article 80 de la loi du 4 avril 2014 stipule que :

Lorsque, au cours de l’exécution d’un contrat d’assurance autre qu’un contrat d’assurance sur la vie ou d’assurance maladie, le risque de survenance de l’événement assuré a diminué d’une façon sensible et durable au point que, si la diminution avait existé au moment de la souscription, l’assureur aurait consenti l’assurance à d’autres conditions, celui-ci est tenu d’accorder une diminution de la prime à due concurrence à partir du jour où il a eu connaissance de la diminution du risque.

Si les parties contractantes ne parviennent pas à un accord sur la prime nouvelle dans un délai d’un mois à compter de la demande de diminution formée par le preneur d’assurance, celui-ci peut résilier le contrat.

En d’autres termes, l’assureur doit proposer par écrit, une modification des conditions tarifaires, que l’information quant à la modification du risque lui ait été transmise par le preneur d’assurance ou non, et cette modification doit être proposée par écrit, de manière expresse et motivée (Toussaint, B., « Les dispositions de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances portant sur l’interprétation du contrat d’assurance, la publicité, la tarification et la segmentation », R.D.C.-T.B.H., 2015/10, p. 943-955.)

Article 46 de la loi

Pour mémoire, en effet, selon l’article 46 de la loi :

Lorsque l’assureur décide, pendant la durée du contrat d’assurance, de transmettre au preneur d’assurance, en raison de la modification d’un risque, une proposition de modification des conditions tarifaires, il doit présenter sa proposition au preneur d’assurance par écrit, de manière expresse et motivée.

La proposition et sa motivation doivent être communiquées au preneur d’assurance individuellement et formulées dans un langage clair et compréhensible pour ce dernier.

Dans la motivation, l’assureur expose en particulier les données, communiquées ou non par le preneur d’assurance, qu’il a utilisées lors de l’évaluation du risque modifié, ainsi que les critères de segmentation qu’il a appliqués, et qui l’ont amené à formuler sa proposition.

La proposition explique également, de manière claire et compréhensible pour le preneur d’assurance, ce qu’il advient du contrat d’assurance en cours selon que le preneur d’assurance décide de donner suite ou non à la proposition.

Réglementation supplémentaire

Il faut également rappeler que le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, pris sur avis de la FSMA, imposer des règles supplémentaires concernant le contenu précis de la motivation visée dans les paragraphes précédents, la manière dont la décision doit être communiquée et les délais à respecter par les assureurs.

Conséquences de la diminution des risques

En l’espèce, il ne pourrait raisonnablement être contesté que dans certaines hypothèses (voir notamment les exemples supra), la survenance d’une diminution sensible et durable de certains risques relève du domaine public, si bien que les entreprises d’assurances ne pourraient faire valoir qu’elles n’en ont pas été valablement informées par le preneur.

Il s’en suit que, dès l’instant où le preneur d’assurances formulerait une demande de diminution de la prime, l’assureur serait tenu de formuler une réponse individuelle motivée avec effet à partir du jour où l’assureur a eu connaissance de la diminution du risque.

Questions sur la conformité des pratiques

L’entreprise d’assurance pourrait-elle contourner la disposition en ne proposant aucune diminution ou une diminution extrêmement minime, laissant au preneur comme seule alternative de résilier le contrat ?

L’article 46 de la loi imposant à l’assureur de motiver sa décision dans un langage clair et compréhensible, il serait à mon sens envisageable de soumettre aux tribunaux cette décision en rappelant que le contrat d’assurance (comme toute autre convention) s’exécute de bonne foi.

Si l’entreprise d’assurance se refusait à toute réduction, il pourrait également être envisagé de recourir à la théorie de l’abus de droit consacrée à de nombreuses reprises en matière d’assurance.

Sanctions en cas d'abus de droit

La Cour de cassation considère généralement que la sanction en cas d’abus de droit consiste à imposer la réduction du droit à son usage normal ou à réparer le dommage résultant de cet abus (Cass., 16 déc. 1982, Pas., 1983, I, 472 ; Cass., 18 févr. 1988, Pas., I, 728, R.W., 1988-1989, p. 1226, note ; Cass., 8 févr. 2001, R.W., 2001-2002, p. 778, note A. Van Oevelen., cité in CALLEWAERT, V., « Les modifications apportées à la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre par les lois des 2 et 22 août 2002 », R.G.A.R., 2003/6, p. 13733)

Réglementation future

Enfin, en cas d’obstruction du secteur, ne serait-il pas envisageable que « le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, pris sur avis de la FSMA, imposer des règles supplémentaires concernant le contenu précis de la motivation » et notamment impose aux entreprises d’assurance de donner les raisons qui justifieraient de ne pas accorder pour certains risques une diminution de prime par rapport à un pourcentage donné.

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