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Recours entre coresponsables : Un changement majeur avec l'article 6.21, § 3

Denis Gouzée Denis Gouzée

L'article 6.21, § 3, du Code civil belge modifie les recours entre coresponsables en cas de faute intentionnelle. Désormais, l'auteur de la faute ne peut pas se retourner contre les autres coresponsables, renforçant ainsi sa responsabilisation. Cette réforme vise à dissuader les comportements dolosifs, mais soulève des questions sur son application rigoureuse. Les coresponsables non fautifs peuvent réclamer l'intégralité des dommages à l'auteur de la faute, ce qui pourrait sembler injuste dans certaines situations. Les assureurs, quant à eux, doivent indemniser les victimes même en cas de faute intentionnelle, augmentant leur charge financière. Pour en savoir plus sur ces changements, consultez un expert en droit.
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Introduction

L’article 6.21, § 3, du nouveau Livre 6 du Code civil apporte une modification significative aux règles de recours entre coresponsables, en particulier lorsqu’une faute intentionnelle est en cause. Auparavant, les coresponsables pouvaient exercer un recours les uns contre les autres, même en cas de faute intentionnelle, afin de répartir équitablement la charge de l'indemnisation. La nouvelle disposition change cette dynamique en excluant cette possibilité pour l'auteur de la faute intentionnelle. Cette réforme, qui vise à renforcer la responsabilisation des auteurs de fautes intentionnelles, suscite toutefois des interrogations quant à la rigueur de ses nouvelles dispositions.

Une nouvelle approche des recours entre coresponsables

Dans le cadre des règles de la responsabilité civile, il arrive que plusieurs personnes soient responsables d'un même fait dommageable. Le droit belge reconnaît traditionnellement un droit de recours entre ces coresponsables, permettant à l’un d’eux, qui aurait indemnisé la victime, de se retourner contre les autres responsables pour obtenir le remboursement de leur part contributive au dommage. Toutefois, cette dynamique change lorsqu'une faute intentionnelle est impliquée.

L’article 6.21, § 3, précise que, si l'un des coresponsables a commis une faute intentionnelle, ni lui ni son civilement responsable ne peuvent exercer de recours contre les autres coresponsables. En revanche, ces derniers disposent d’un recours pour le tout contre l’auteur de la faute intentionnelle et son civilement responsable. En d’autres termes, l’auteur de la faute intentionnelle supporte seul la charge financière du dommage, sans possibilité de se retourner contre les autres coresponsables.

Un renforcement de la responsabilisation

Ce changement vise à responsabiliser davantage les auteurs de fautes intentionnelles. En leur retirant la possibilité de recours contre les autres coresponsables, la loi cherche à dissuader les comportements dolosifs et toute intention de nuire. Cette logique vise à éviter qu'un auteur de faute intentionnelle puisse échapper, même partiellement, aux conséquences de ses actes en partageant la charge financière avec d'autres coresponsables.

Par ailleurs, cette réforme s’inscrit dans le cadre plus large du principe Fraus omnia corrumpit, qui stipule que la fraude fait tomber tous les droits. L’idée est ici de s’assurer que celui qui commet une faute intentionnelle ne puisse tirer aucun avantage des règles de responsabilité et de partage des obligations.

Une rigueur qui interroge

Si l'objectif de responsabilisation est louable, la rigueur de cette nouvelle règle peut toutefois paraître excessive dans certaines situations. Le droit actuel était plus nuancé : il prévoyait la possibilité de distinguer l'obligation de réparation envers la victime de la contribution à cette réparation entre les coresponsables. Cette distinction permettait au juge d'apprécier, dans chaque cas, la part de responsabilité de chacun des coresponsables et de moduler les contributions en conséquence.

Avec l'article 6.21, § 3, cette possibilité de modulation disparaît. L'auteur de la faute intentionnelle se voit exclu de tout recours contre les autres coresponsables, peu importe les circonstances ou le degré de responsabilité des autres. Par exemple, imaginons un cas où un coresponsable a commis une faute mineure contribuant au dommage, mais un autre coresponsable a agi de manière intentionnelle. Malgré la faible implication du premier coresponsable, l'absence de modulation signifie que ce dernier pourrait se retrouver injustement exempt de toute contribution, alors que l'auteur de la faute intentionnelle supportera l'intégralité de la charge sans pouvoir se retourner contre les autres. En revanche, les autres coresponsables peuvent exercer un recours complet contre l'auteur de la faute intentionnelle, ce qui place ce dernier dans une situation particulièrement défavorable.

Conséquences pour les assureurs et les coresponsables

Dans le cas des assurances obligatoires, l'assureur ne peut pas opposer le caractère intentionnel du sinistre à la victime. Ainsi, même en présence d'une faute intentionnelle de l'assuré, l'assureur reste tenu d'indemniser la victime, ce qui renforce la charge financière pesant sur lui. En effet, en cas de faute intentionnelle commise par un assuré, l'assureur pourrait se retrouver dans l'incapacité de se retourner contre d'autres coresponsables pour répartir la charge de l'indemnisation, ce qui pourrait alourdir considérablement sa responsabilité financière.

Pour les coresponsables, cette modification engendre une nouvelle dynamique. Ceux qui n’ont pas commis de faute intentionnelle peuvent se prévaloir d’un recours intégral contre l’auteur de cette faute, ce qui renforce leur position. Toutefois, il est permis de s'interroger sur la justice d'une telle solution, qui peut paraître disproportionnée au regard des circonstances particulières de chaque affaire.

Conclusion

L'article 6.21, § 3, du nouveau Livre 6 du Code civil marque un tournant dans les règles de recours entre coresponsables en cas de faute intentionnelle. Le législateur vise à prévenir les comportements dolosifs et à protéger les autres coresponsables en renforçant la responsabilisation de l'auteur de la faute intentionnelle. Toutefois, la rigueur de cette règle pourrait se révéler excessive dans certaines situations, notamment en raison de l'absence de possibilité de modulation selon les circonstances. Il sera intéressant de voir comment cette nouvelle disposition sera appliquée par les tribunaux et si elle parviendra à équilibrer la responsabilité des différents acteurs impliqués, notamment celle des assureurs qui jouent un rôle crucial dans la gestion et la répartition des risques.

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