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Refus de suivre une formation : une faute grave ?

Denis Gouzée Denis Gouzée

L'article discute des conséquences du refus d'un employé de suivre une formation obligatoire dans le secteur des assurances, conformément à la loi du 4 avril 2014. Ce refus peut être considéré comme une faute grave justifiant un licenciement. L'employeur a le droit d'imposer des formations légitimes liées aux obligations professionnelles, et le refus d'obéir constitue une insubordination. La jurisprudence souligne que l'insubordination ébranle la confiance nécessaire à la relation de travail. Après une mise en demeure, un licenciement serait justifié en l'absence de motifs légitimes, comme une maladie ou un cas de force majeure.
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Assurance - Responsabilité - Roulage

Introduction

La loi du 4 avril 2014 prévoit en son article 270 § 6 que les entreprises d'assurances et, le cas échéant, les intermédiaires d'assurances et de réassurance, répondent de la formation de base suffisante des personnes en contact avec le public. En d'autres termes, le personnel des entreprises et des intermédiaires d'assurances doit suivre un cours de recyclage destiné à acquérir une connaissance des règles de conduite « TWIN PEAKS ». Que faire si ce personnel refuse de suivre cette formation ?

Caractéristiques du contrat de travail

Le contrat de travail se caractérise par la réunion de trois éléments : un emploi, un salaire, et une relation d'autorité. L'employé exécute un travail, sous l'autorité de son employeur, et ce en échange d'un salaire déterminé.

L'existence d'un lien de subordination justifie que l'employeur puisse donner des instructions à l'employé, pour autant que les instructions données soient légitimes et ne portent pas atteinte aux éléments essentiels du contrat, tels la nature du travail ou le montant de la rémunération.

Suivre un cours organisé par l'employeur fait partie de l'exécution du contrat de travail. (Cour du travail de Bruxelles, 24.04.1991)

Motifs de rupture du contrat

Selon l'article 35, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, est considérée comme constituant un motif grave, toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l'employeur et le travailleur.

Le juge du fond apprécie souverainement si les faits invoqués au titre de motif grave ont la gravité requise pour rompre le contrat sans préavis ni indemnité.

Jurisprudence sur les motifs graves

Selon une jurisprudence dominante, les cours et tribunaux ne sont pas liés par les clauses du contrat de travail, d'une convention collective de travail, d'un règlement de travail. La gravité d'une faute est ainsi notamment établie par la circonstance que les rapports professionnels étaient impossibles, et ce même pendant l'écoulement du préavis légal.

En définitive, ce qui est requis, c'est la constatation d'un comportement qui ébranle la confiance au point d'empêcher, immédiatement et définitivement, que se poursuive l'exécution du contrat, alors même que ce comportement est étranger à celle-ci, et sans qu'il soit nécessaire qu'un préjudice quelconque en résulte pour l'une ou l'autre des parties.

(Viviane Vannes, note sous R.C.J.B. 2/2002 — p. 255 — Cour de cassation, 3e chambre, 08/11/1999)

Refus de formation obligatoire

Existe-t-il, en cas de refus de suivre une formation légalement obligatoire, une impossibilité de collaborer ou, même une perte de confiance sans laquelle le rapport contractuel ne peut exister ?

L'insubordination vise la situation dans laquelle l'autorité de l'employeur est méconnue, parce qu'un travailleur refuse d'accomplir le travail convenu ou d'obéir à un ordre qu'il a reçu. Le refus d'exécuter des ordres licites est considéré comme une faute grave qui justifie le licenciement.

Jurisprudence sur l'insubordination

La jurisprudence sur les faits d'insubordination enseigne que de simples négligences, voire une certaine incompétence ne peuvent justifier un licenciement pour motif grave tandis qu'au contraire, constituent un motif grave des manquements qui traduisent une désinvolture délibérée ou un manque de conscience professionnelle flagrant attendu d'une personne exerçant des fonctions à responsabilité, qui révèlent des précédents manquements dissimulés ou encore qui sont le reflet d'une insubordination manifeste pour autant que l'ordre donné soit légitime et émane d'une personne habilitée à le donner.

Toutefois, l'insubordination contrevient à l'obligation qui incombe à tout travailleur d'exécuter son travail avec soin, probité et conscience au temps, au lieu et dans les conditions convenues (article 17 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail).

Dans un arrêt du 23 mai 2000, la Cour du travail de Bruxelles a même considéré que « l'insubordination occupe la place la plus élevée dans la hiérarchie des fautes graves possibles en ce qu'elle nie et contrevient à l'élément essentiel du contrat de travail, qui est l'autorité de l'employeur ».

Dans ce même arrêt, cependant, la Cour tempère ce principe en décidant que l'insubordination du travailleur ébranle la confiance nécessaire à la poursuite de la relation contractuelle et constitue un motif grave à la double condition de :

  1. se révéler sans ambiguïté ;
  2. d'avoir pour objet un ordre que l'employeur peut légitimement intimer à son travailleur, c'est-à-dire, qui correspond à son contrat de travail et ne viole aucune norme juridique ou morale.

En effet, les termes du contrat et la loi (et on peut ajouter, les principes généraux de droit) constituent les limites de l'obligation pour le travailleur de se conformer aux instructions de l'employeur quant à l'exécution du travail.

L'employeur ne pourrait, donc, imposer n'importe quelle formation et la formation professionnelle ne pourrait, éventuellement, intervenir en dehors des horaires de travail sans que ne soit alors offert un repos compensatoire.

Mais en demandant au travailleur de suivre une formation légalement obligatoire, l'employeur ne fait que relayer une exigence qui lui est imposée et il ne saurait, à mon sens, lui être fait aucun grief.

En refusant de suivre une formation nécessaire pour le maintien de son habilitation légale, non seulement l'employé fait montre d'insubordination, mais il met en péril, — voire rend impossible à terme —, le maintien de la relation contractuelle.

Après mise en demeure et avertissement, un licenciement pour faute grave serait donc, à mon sens, parfaitement justifié dans l'hypothèse où, sans motif légitime (maladie, force majeure) un employé refuserait de suivre une formation nécessaire au maintien de son contrat d'emploi.

Il conviendra de rendre attentif le travailleur aux conséquences d'un éventuel refus.

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