Responsabilité décennale et architecte
Limitation de la responsabilité décennale d'un architecte
Un architecte, dans le cadre du contrat qu’il soumet à la signature du Maître de l’Ouvrage, peut-il limiter l’étendue de sa responsabilité décennale ? Cette importante question a été tranchée par un arrêt de la cour de Cassation du 5.9.2014.
Un architecte avait inséré dans son contrat une clause en vertu de laquelle, en cas de faute concurrente avec celle de l’entrepreneur, il n’était redevable de dommages et intérêts au maître de l’ouvrage qu’à concurrence de sa part dans la réalisation du dommage.
Il avait été jugé par le passé que la clause contractuelle écartant toute responsabilité in solidum de l'architecte du fait des erreurs et fautes des autres édificateurs ne l'exonère en rien de la responsabilité in solidum qui résulte de sa propre faute, mais indique seulement qu'il n'est pas responsable des fautes des autres intervenants.
Selon cette jurisprudence, cette clause n'implique pas une renonciation à obtenir réparation intégrale du dommage causé par une faute de l'architecte, lorsque la faute d'un ou plusieurs tiers y a concouru et ne limite pas le droit à réparation à la gravité proportionnelle de la faute dudit architecte.
L'architecte n'est pas tenu à responsabilité in solidum pour la part du préjudice exclusivement imputable à l'entrepreneur. – (Civ. Nivelles (9e ch.), 24 octobre 1997. – J.L.M.B., 2000, p. 159, obs. Louveaux, B.)
Responsabilité décennale et ordre public
La Cour de Cassation rappelle que l’article 1792 du Code civil dispose que si l’édifice construit à prix fait, périt en tout ou en partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architecte et entrepreneur en sont responsables pendant dix ans.
La responsabilité décennale de l’architecte qui résulte de cette disposition est d’ordre public et ne peut dès lors pas être exclue ou limitée contractuellement.
La clause en vertu de laquelle l’architecte, en cas de faute concurrente avec celle de l’entrepreneur, n’est redevable de dommages et intérêts au maître de l’ouvrage qu’à concurrence de sa part dans la réalisation du dommage, implique une limitation de la responsabilité de l’architecte à l’égard du maître de l’ouvrage sur la base de l’article 1792 du Code civil et, dans cette mesure, est contraire à l’ordre public.
Le moyen qui invoque qu’une exclusion contractuelle de la responsabilité in solidum n’est jamais contraire à l’ordre public, même lorsqu’il s’agit d’une responsabilité fondée sur l’article 1792 du Code civil, dès lors que la responsabilité in solidum est fondée sur la théorie de l’équivalence et que celle-ci n’est pas d’ordre public, manque en droit.