Responsabilité et produits financiers
Contexte de l'affaire
Il devient fréquent que des assurés réclament indemnisation d’un dommage qu’ils considèrent avoir subi en raison du manque de rendement, voire de la perte subie à l’occasion de la souscription d’un produit de placement en assurance. Un arrêt de la Cour d’Appel de Liège du 2/4/2019 aborde la question.
Les consorts XXX se plaignent des pertes financières subies dans le cadre de ces investissements et recherchent la responsabilité de la SPRL YYY à raison des fautes qu'elle aurait commises en qualité de conseiller en investissement, d'intermédiaire financier et/ou d'assurance.
Rappel juridique
La Cour rappelle que :
Conformément aux articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, il appartient aux consorts XXX qui prétendent mettre en cause la responsabilité de la SPRL YYY d'en démontrer les conditions, en établissant dans le chef de cette dernière l'existence d'une faute en lien causal avec le dommage dont ils poursuivent la réparation.
A titre liminaire, il convient de préciser que le seul constat de la dépréciation des investissements réalisés, par le biais de produits financiers ou d'assurance, ne suffit pas à engager la responsabilité de l'intermédiaire, au vu du caractère aléatoire de l'évolution des marchés financiers auxquels ces produits sont liés.
Dispositions légales invoquées
Les consorts XXX fondent leurs prétentions sur les dispositions de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et les services financiers, ainsi que sur les arrêtés royaux des 27 avril 2007 et 3 juin 2007, lesquels distinguent le régime du conseil en investissement et de la gestion de portefeuille d'une part, et le régime des autres services d'investissement d'autre part.
Par son arrêt C-542/16 du 31 mai 2018 statuant sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a en effet dit pour droit que « les conseils financiers relatifs au placement d'un capital prodigués dans le cadre d'une intermédiation d'assurance portant sur la conclusion d'un contrat d'assurance-vie en capital relèvent du champ d'application de la directive 2002/92 et non pas de celui de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004 ».
La Cour a ainsi exclu la possibilité pour les conseils en investissement donnés par les intermédiaires en assurance d'être soumis à MiFID, sur la base de l'exemption contenue à l'article 2, 1., c), de MiFID I, suivant lequel MiFID ne s'applique pas « aux personnes qui fournissent un service d'investissement à titre accessoire dans le cadre d'une activité professionnelle, dès lors que celle-ci est régie par des dispositions législatives ou réglementaires ou par un code déontologique qui n'exclut pas la fourniture de ce service.
Manquements allégués
Les consorts XXX font grief à la SPRL YYY de n'avoir pas respecté le code de bonne conduite Assuralia et plus spécifiquement les dispositions relatives au devoir d'information à l'égard de l'assuré, en ne leur transmettant pas de fiches d'information détaillant les caractéristiques des produits proposés.
En l’espèce, il ressortait des éléments du dossier soumis à la Cour que c’était en parfaite connaissance des risques qui y étaient liés que les consorts XXX avaient souscrit aux assurances-vie branche 23 litigieuses et la Cour considère que s'ils estimaient que l'information reçue n'était pas suffisante, il leur appartenait d'en solliciter davantage.
Les consorts XXX soutenaient également que la SPRL YYY avait manqué à l'obligation lui imposée par l'article 12bis, §3, de la loi du 27 mars 1995 relative à l'intermédiation en assurances et en réassurances et à la distribution d'assurances, en ne s'informant pas sur leurs exigences et leurs besoins.
La Cour considère que cette disposition impose à l'intermédiaire d'assurances, avant la conclusion d'un contrat d'assurance spécifique, de déterminer les exigences et les besoins de son client, et de préciser les raisons qui motivent tout conseil fourni au client quant à un produit d'assurance déterminé.
Évaluation des manquements
La Cour considère que le manquement allégué par les appelants n'est pas démontré :
- s'agissant de la police d'assurance Sogelife, les renseignements complémentaires collectés par la SPRL YYY auprès des consorts XXX mentionnent également la finalité de l'opération : « valoriser son capital » et « préparer sa retraite », sans qu'aucun élément produit au débat ne permette de considérer que ces objectifs n'auraient pu être rencontrés par la police d'assurance souscrite,
- s'agissant enfin de la police d'assurance Private Insurer, l'objectif « protection du patrimoine à moyen ou long terme » est expressément mentionné dans le rapport confidentiel préalable complété par la SPRL YYY - en sorte qu'il ne peut davantage lui être reproché de ne pas s'être inquiétée de la volonté de ses clients.
Il n’apparaît par ailleurs pas que la souscription de cette police, liée à un fond dont la politique d'investissement était « équilibrée » et visant une « véritable croissance sur le long terme » n'était pas de nature à rencontrer cet objectif, les malversations éventuelles commises par le gestionnaire d'un des fonds liés à cette police restant également sans incidence sur la responsabilité de l'intermédiaire.
A défaut de manquement en lien causal avec le dommage dont la réparation est recherchée, c'est à bon droit que le premier juge a dit la demande formée par les consorts XXX à l'encontre de la SPRL YYY non fondée.
Intervention de l'assureur SOBEGAS
Il est également intéressant de soulever que l’assureur SOBEGAS était intervenu au dossier, qu’une demande directe avait été formulée par les assurés et qu’à titre subsidiaire, le courtier avait demandé d’être garanti de toute condamnation mise à sa charge.
La Cour dit pour droit que :
Il n'y a pas lieu de condamner la SPRL YYY à payer une indemnité de procédure à la SCRL Sobegas, celle-ci ayant été mise à la cause par les consorts XXX et la SPRL YYY n'ayant formé une demande en garantie à son encontre qu'à titre subsidiaire pour les seules condamnations qui seraient mises à sa charge en qualité d'intermédiaire d'assurance, conformément à la position adoptée par la SCRL Sobegas. Dans ces conditions, la SPRL YYY ne peut être considérée comme partie succombante à l'égard de la SCRL Sobegas.