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Suspension ou résiliation de l’assurance : abus de droit possible

Denis Gouzée Denis Gouzée

La loi belge permet à un assureur de suspendre ou résilier un contrat d'assurance en cas de non-paiement de prime. Cependant, la Cour de Cassation a jugé qu'une résiliation brutale peut constituer un abus de droit, contraire au principe de bonne foi. Dans un cas, la résiliation survenue peu après une suspension prolongée a été considérée comme disproportionnée et nuisible pour l'assurée. La Cour a reconnu que même les victimes tierces peuvent contester la validité de la résiliation en invoquant le non-respect de la bonne foi contractuelle, ce qui souligne l'importance de la loyauté dans les relations contractuelles.
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Assurance - Responsabilité - Roulage

Introduction

La loi du 25.6.1992 (et celle du 4.4.2014 à présent) organise la possibilité pour l’assureur de suspendre et/ou de résilier le contrat en cas de non paiement de la prime. Dans un arrêt du 21.2.2014, la Cour de Cassation considère néanmoins que la résiliation brutale et instantanée du contrat d'assurance peut être considérée contraire au principe de l'exécution de bonne foi des conventions.

Contexte de l'affaire

Hélas, les données en notre possession ne permettent pas de retracer les faits de cette espèce singulière. Il nous a paru néanmoins essentiel de nous en faire l’écho.

Examen par la Cour d'appel

Dans l’espèce soumise à la censure de la Cour, les juges d'appel ont considéré contraire au principe d'exécution de bonne foi des conventions la résiliation brutale et instantanée du contrat d'assurance entre la demanderesse et son assurée en raison du non paiement de la prime.

À cet égard, ils ont pris en compte :

  • Le délai écoulé entre la notification de la suspension de la garantie et la notification de la résiliation.
  • Le fait de laisser courir la suspension de la garantie à l'encontre d'un preneur inattentif pour ensuite réclamer la prime en n'ayant entre-temps supporté aucun risque, qui était contraire à la loyauté contractuelle.
  • La suspension du contrat pendant un délai de cent vingt-deux jours, qui a pu faire perdre de vue à l'assurée le risque de la résiliation de celui-ci.
  • La quasi-instantanéité de la résiliation, intervenue le lendemain du dépôt de la lettre à la poste, était de nature à lui causer un préjudice disproportionné avec les avantages retirés par la demanderesse.

Principe de bonne foi

La Cour de Cassation considère alors que le principe consacré par l'article 1134 du Code civil, en vertu duquel les conventions doivent être exécutées de bonne foi, interdit à une partie d'abuser des droits qui lui sont octroyés par la convention.

Pour déterminer s'il y a abus de droit, le juge doit, dans l'appréciation des intérêts en présence, tenir compte de toutes les circonstances de la cause. Néanmoins, contrairement à ce que le moyen soutenait, le tribunal n'était pas tenu en outre, pour admettre ou exclure l'abus de droit, de comparer la situation de l'assuré à qui la victime réclame l'indemnisation de son dommage, avec la situation de l'assuré exposé à l'action récursoire.

Arguments de l'assureur

L’assureur faisait valoir que le contrat d'assurance était suspendu au jour de l'accident, de sorte qu'en cas de condamnation à l'indemnisation des victimes, il était en tout état de cause fondé à exercer un recours récursoire contre l'assurée.

La Cour de Cassation rétorqua que la décision attaquée ayant légalement considéré que l'abus du droit de résiliation était établi, le tribunal n'était pas tenu de répondre à cette défense, devenue sans pertinence en raison de sa décision.

Article 13 du contrat d'assurance

Assez logiquement, l’assureur invoquait le fait que l'article 13 du contrat type d'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, n'impose, dans le chef de l'assureur, le respect d'aucun délai de résiliation lorsque, comme en l'espèce, il a régulièrement annoncé à l'assuré en temps opportun la suspension du contrat en se réservant le droit de le résilier.

La Cour de Cassation considéra toutefois que le tribunal avait pu légitimement considérer que, si la procédure de résiliation de l'assurance avait été formellement opérée dans le respect des délais prévus par la loi et le contrat, elle n'en était pas moins constitutive d'un abus de droit en raison de la quasi-instantanéité de la résiliation de nature à causer à l'assurée un préjudice disproportionné avec les avantages retirés par la demanderesse.

Particularité du litige

La particularité de ce litige résidait, enfin, dans le fait que cet abus de droit était invoqué non par l’assuré, mais par la victime dans le cadre de son action directe.

L’assureur soulevait alors que le tribunal ne pouvait admettre que les victimes, qui sont tiers au contrat d'assurance, invoquent à leur profit un manquement au principe de l'exécution de bonne foi des conventions.

La Cour considéra que, comme en vertu de l'article 87, § 1er, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, dans les assurances obligatoires de la responsabilité civile, la résiliation du contrat, intervenue avant la réalisation du sinistre, est opposable à la personne lésée, celle-ci est en droit de contester la validité de ladite résiliation.

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