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Prêt couplé à une assurance non obligatoire : Un arrêt de la CJUE

Denis Gouzée Denis Gouzée

L'arrêt de la CJUE dans l'affaire Compass Banca SpA souligne les risques juridiques liés aux prêts couplés à une assurance non obligatoire. Les banques doivent veiller à ce que les informations soient claires, afin d'éviter toute impression d'obligation pour le consommateur. Les pratiques commerciales trompeuses, comme le manque de délai de réflexion, sont interdites par la directive 2005/29/CE. Les entreprises doivent clarifier le caractère optionnel des assurances et permettre un temps de réflexion. Les consommateurs doivent poser des questions et lire attentivement les contrats. Restez vigilant face à ces offres pour protéger vos droits.
Illustration
assurancevente croisée

Lorsqu'une banque ou une autre entreprise propose en même temps un prêt personnel et une assurance, cela peut sembler pratique pour le consommateur. Mais attention, ce type d'offre peut poser des problèmes juridiques si l'information n'est pas claire ou si le consommateur se sent obligé de souscrire l'assurance pour obtenir le prêt.

L'affaire Compass Banca SpA contre l'Autorité italienne garante de la concurrence et du marché (AGCM), jugée par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) le 14 novembre 2024 (C-646/22), éclaire les pratiques à éviter et les droits des consommateurs.


1. Que s’est-il passé dans cette affaire ?

Une banque italienne proposait à ses clients de souscrire en même temps :

  • Un prêt personnel, et
  • Une assurance couvrant des risques comme l’incapacité de rembourser le prêt à cause d’une maladie.

L'assurance n'était pas obligatoire pour obtenir le prêt. Pourtant, la manière dont les deux offres étaient présentées faisait croire qu’elles étaient inséparables. Résultat : de nombreux consommateurs pensaient devoir prendre l’assurance pour obtenir leur prêt.

L'Autorité italienne a estimé que cette pratique était une manipulation du consommateur et une pratique commerciale déloyale, en violation de la directive européenne 2005/29/CE.


2. Quels sont les problèmes avec ce type d’offre ?

2.1. Informations trompeuses

Le problème principal est que la banque n’a pas suffisamment précisé que l’assurance était facultative. Quand les informations ne sont pas claires ou laissent croire à une obligation qui n’existe pas, on parle de pratique commerciale trompeuse.

2.2. Pression psychologique (ou "influence injustifiée")

Proposer deux produits ensemble peut donner l’impression qu’il faut souscrire les deux. Cette pression implicite est un exemple de ce qu’on appelle en droit un biais de cadrage (framing), où la manière de présenter les informations influence les choix des consommateurs.

2.3. Manque de délai de réflexion

Les consommateurs n’avaient pas de temps pour réfléchir entre la signature du contrat de prêt et celui de l’assurance. Cela les empêchait de prendre une décision éclairée.


3. Quels sont les droits des consommateurs dans ces situations ?

3.1. La protection contre les pratiques trompeuses

Selon la directive 2005/29/CE, une entreprise doit fournir des informations claires et précises. Elle ne peut pas :

  • Laisser croire qu’un produit est obligatoire s’il ne l’est pas,
  • Exploiter l’urgence ou le besoin du consommateur pour lui faire souscrire un produit.

3.2. Le délai de réflexion

Les autorités nationales, comme l’AGCM en Italie, peuvent exiger qu’un délai de réflexion soit respecté entre la proposition des deux produits. Par exemple, un délai de 7 jours permettrait au consommateur de réfléchir calmement et de demander conseil si nécessaire.

3.3. La notion de "consommateur moyen"

La CJUE a rappelé que la loi protège le consommateur moyen, c’est-à-dire une personne normalement informée et raisonnablement attentive. Cependant, elle reconnaît que des biais cognitifs peuvent influencer même ces consommateurs, notamment si l’information est présentée de manière trompeuse.


4. Ce que les banques et les entreprises doivent faire

Pour éviter d’être sanctionnées pour pratiques déloyales, les entreprises doivent :

  1. Clarifier le caractère facultatif : Toute assurance ou service additionnel doit être clairement identifié comme optionnel.
  2. Séparer les contrats : Éviter de mélanger les offres pour que le consommateur puisse comprendre chaque produit séparément.
  3. Donner du temps : Proposer un délai de réflexion raisonnable entre les signatures pour éviter les décisions précipitées.

5. Une pratique toujours autorisée ?

La CJUE a jugé que proposer un prêt et une assurance ensemble n’est pas illégal en soi, mais tout dépend de la manière dont c’est fait. Si l’offre est mal présentée ou induit en erreur, elle peut être qualifiée de trompeuse ou d'agressive, ce qui est interdit.


6. Ce que les consommateurs doivent retenir

Si une banque vous propose un prêt accompagné d’une assurance :

  • Posez des questions : L’assurance est-elle vraiment obligatoire ?
  • Prenez votre temps : Ne signez rien sans réfléchir ou demander un avis extérieur.
  • Lisez les contrats attentivement : Vérifiez si vous pouvez acheter chaque produit séparément.

Conclusion

L’arrêt Compass Banca SpA rappelle aux entreprises qu’elles doivent respecter des règles strictes de transparence et de loyauté. Pour les consommateurs, il montre l’importance de rester vigilant face à ce type d’offres croisées et de faire valoir ses droits. Une meilleure régulation de ces pratiques serait encore nécessaire pour éviter que de tels biais n’impactent les décisions économiques des consommateurs.

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